Histoires vraies
Quand j'étais petite - et encore maintenant- ma mère nous serinait que de son côté de la famille, ils étaient différents des autres parce qu'ils étaient athées. Sûr qu'à l'époque, ça faisait tache et à la mienne aussi. Seulement, je ne voyais pas la différence. Ils se reposaient le dimanche et fêtaient Noël comme l'autre branche de la famille, catholique patentée.
Dans ma classe de CE2, il y avait une Espagnole. Je savais qu'elle était espagnole parce qu'elle le répétait sans arrêt, avec un air agaçant de dire que ça la rendait supérieure. Je ne comprenais pas en quoi elle était différente.
Au CM2, mon maître, pourtant formidable par ailleurs, avait en grippe l'un de nous. Rien de très étonnant, les instits ont tous leurs têtes, j'avais bien compris ça. Il m'a fallu passer pas mal d'années encore avant de comprendre d'une part, que le gamin était algérien et d'autre part, que c'était pour cette raison que le maître ne l'aimait pas.
L'art de distinguer, classer, étiqueter son prochain en fonction de la couleur se son passeport, des nuances de sa pensée, ou de l'assaisonnement de son ragoût est tellement subtil qu'il peut échapper à un enfant.
Je comprends donc que le gouvernement ait besoin d'un recensement pour établir une classification rigoureuse. Mais je me demande en quoi ces informations peuvent être utiles à la bonne marche du pays.
Quitte à recenser, il faudrait recenser utile : par exemple, l'Insee pourrait demander à quel âge les gens aimeraient prendre la retraite, s'ils sont favorables à une école de qualité pour tous ou avoir le choix entre une bonne école payante et ne mauvaise gratuite.
Ainsi, on éviterait de nombreuses grèves avec leur cortège de tracas, et on aurait une image complète des opinions.
Et qui sait ? Peut-être découvrirait-on que malgré la subtilité et l'unicité de la pensée et de l'âme de chacun, les habitants de ce pays se ressemblent beaucoup ?